Elles sont le signe d’une liberté formelle que j’ai durement acquise,loin des idéologies et des automatismes. Laissez-moi vous expliquer le pourquoi du comment,car c’est une longue histoire.
Rien ne se créé,rien ne se perd,tout se transforme (et tous les chemins mènent à… la photographie)
Je me suis longtemps gavée des mots des autres,des mille et une vies que la littérature nous propose de vivre. J’avais le sentiment d’être arrivée à saturation et fidèlement au principe de Lavoisier (inspiré d’Anaxagore de Clazomènes),j’ai cherché un medium qui me permette de m’approprier ce bagage et faire circuler l’énergie créatrice accumulée. Or ma pratique artistique se limitait aux rares heures de cours dispensées au collège,qui de surcroît n’avaient pas été concluantes… Comment faire ?
J’ai donc fouillé mes souvenirs,et le plaisir que j‘avais eu à prendre des photos mais aussi du ravissement éprouvé à la vue de certaines en a décidé:ce sera la photographie.
Créer sans culture artistique
Lorsque je me suis mise à la photographie,ma culture artistique n’était qu’un savoir diffus. Plus versée en littérature que dans les Arts plastiques,mes connaissances étaient sans aucune articulation:outre un regard sur les différents courants,manquaient la compréhension des processus et la perspective historique.
J’ai tenté d’y remédier en intégrant une série de cours d’Histoire de l’Art de l’Université Populaire (je tiens à remercier ces enseignants pour la générosité de leur démarche !). Consacrés au pouvoir de l’image,qu’elle soit peinture ou photographie,ceux-ci m’ont permis d’entrevoir un monde nouveau bien alléchant,qui m’a conduite à m’inscrire aux Beaux Arts quelques années plus tard. Entre temps,j’ai photographié comme j’ai pu,avec passion,guidée par mon instinct,ce qui dans le fond n’est pas plus mal.
Reconsidérer sa production artistique après l’initiation à l’Histoire de l’Art
J’ai entendu dire que les étudiants de médecine et de psychologie passent en première année par une phase durant laquelle ils s’imaginent atteints de toutes les maladies qu’ils étudient. Séduite par le verbe et subjuguée par les idées,j’ai pour ma part vécu quelque chose de similaire aux Beaux Arts !
Au gré des cours,j’ai été romantique, surréaliste,impressionniste,expressionniste,…!
Plus que cela,c’est avec une grande confusion que j’ai réalisé combien ma compréhension de l’Art et du processus créatif était un magma informe,composé de bribes de théories élaborées 1 à 2 siècles auparavant…
Consternation !
Cela m’interroge et je me demande si cela ne serait pas le cas d’une grande partie d’entre nous,et à cette question je n’ai pas de réponse (mais que fait IPSOS ?). Si c’était le cas,ce serait dommage,car c’est tout un aspect de la création artistique contemporaine mais aussi moderne qui reste hors de portée… (Mais l’Art n’a-t-il pas toujours été élitiste ?)
Une photographie perdue entre militantisme et mythe de l’Artiste romantique
Né au 19° siècle,le siècle des révolutions,le mythe de l’Artiste,témoin de son temps,phare qui illumine un monde de ténèbres,Cf l’article de Charles Fourier publié en 1848 De la mission de l’art et du rôle des artistes (revue Phalange). L’idée selon laquelle l’artiste met sa création au service du peuple (ainsi disait-on) afin d’exprimer sa condition et ses aspirations est toujours d’actualité,et cohabite plus ou moins avec l’idéal du Romantisme (né au même siècle) de l’exaltation du moi et de la subjectivité.
Il faut encore savoir que le Romantique se conçoit comme un personnage unique et d’exception,dont l’art est fondé sur l’expression de soi plus que sur l’invention de procédés formels. Son monde intérieur est son sujet:passions et sentiments.
Je dois dire que même après cette prise de conscience,je continue de me débattre avec ces deux approches de l’Art !
L’Art est un jeu,la photographie aussi !
Si il y a bien une chose que j’ai appris lors de mon passage en école d’art,c’est bien que l’Art est un jeu. Et vous comprendrez l’ampleur du choc éprouvé lorsque j’ai compris que si de fond il n’y avait,peu importe: l’Art se suffit à lui-même ! Bien entendu,c’est encore meilleur lorsque la forme est habitée par le fond. Et à l’inverse,quelle catastrophe lorsque le fond domine, alors que la forme,elle,est médiocre !
J’ai aussi compris que je ne savais pas jouer:j’étais trop dans le contrôle et l’intention.
Heureusement,il y a parmi les photos faites alors ce que je considère comme des bouffées d’oxygène:si cette création reste toujours une projection de mon monde intérieur sur des éléments photographiés,quelques tentatives de trouver une forme qui me serait plus personnelle. Cf Nature Morte ou Surface sensible
La difficulté de définir un mode d’expression personnel
Trouver ce qui est réellement soi,donc,ce n’est pas si simple,et c’est pourtant l’enjeu qui est au cœur de toute démarche créative.
C’est un long processus que de se débarrasser de tous les automatismes dont on s’encombre,d’idéologies qui orientent la créativité,sans parler du mimétisme,inévitable à trop se frotter aux autres (sujet abordé dans le bien involontaire Hommage à Hopper ) !
Lorsque l’on n’aborde tout simplement pas un sujet abordé depuis des lustres par tous les photographes de la planète… Petite anecdote pour illustrer ce propos:un de mes sujets de prédilection était celui des pans de murs de maisons détruites et sur lesquels subsistent des morceaux de carrelage,de tapisserie,qui sont autant de traces muettes et impuissantes des vies,drames,qui s’y sont déroulés. C’était mon sujet,que j’avais élaboré toute seule dans mon coin,aussi j’ai désarçonnée lorsque j’ai découvert qu’il avait inspiré quasiment les mêmes images à bien d’autres… Nous parlions de la singularité de l’artiste …Quel sacré coup dans les dents !
Mais il fait soif,et je vous propose de nous arrêter là pour aujourd’hui,je vous raconterai la prochaine fois quel a été la découverte qui a libéré ma création photographique. To be continued…